mardi 18 mai 2010

Deborah Curtis - Touching From A Distance


On pourrait trouver une certaine ironie à se voir offrir le jour de ses 24 ans la biographie d’un type qui n'a jamais atteint cet âge là, mais en fait le choix était parfaitement innocent, j'ai juste des ami(e)s qui me connaissent très bien (merci encore Magali !). Trois ans après tout le monde, je venais juste de regarder Control, et s'en était suivie une période où je n'écoutais plus que Joy Division, autant dire que ce bouquin tombait au bon moment. Autre hasard du calendrier, j'écris cet article 30 ans jour pour jour après la mort de celui dont il est question.
Sorti en 1995, Touching From A Distance est une biographie de Ian Curtis écrite par sa veuve Deborah. Le livre a directement servi d’inspiration pour l'écriture du scénario de Control. Et face au mystère qui plane toujours autour du mythique chanteur de Joy Division, qui pouvait mieux nous éclairer que celle qui a partagé les 8 dernières années de sa courte vie ?
Les fans puristes de Joy Division seront peut-être déçus, car tout comme Control, l'auteur ne se penche qu'assez peu sur la musique du groupe, pour la simple raison que Deborah Curtis était plus ou moins tenue à distance de la Factory par son mari, qui l'interdisait fréquemment d'assister aux concerts ou aux sessions d'enregistrement.
Car c'est une facette méconnue de la personnalité de Ian Curtis que l'on découvre surtout. Manipulateur, jaloux, immature, l'icône tombe de son piédestal. Certaines scènes, racontées sans rancune, nous donnent même envie de le détester : Ian jetant son Bloody Mary au visage de Debbie le jour de leurs propres fiançailles (elle venait de danser avec son oncle), Ian interdisant à Debbie de porter jupe et maquillage en public, Ian obligeant Debbie à voter comme lui (et conservateur, qui plus est !),… on trouve des exemples à toutes les pages. Heureusement ce sombre tableau est nuancé par d'autres anecdotes bien plus mignonnes : l'obsession (là aussi méconnue) de Ian pour les fringues, son amour pour son chien, le voyage plutôt épique jusqu'à Mont-de-Marsan…
Et puis il y a l’autre héroïne de cette histoire : la maladie. L'épilepsie, d'autant plus cruelle qu'elle est apparue tardivement, et que les traitements de l'époque, quasi expérimentaux, auraient assommé un cheval. Les crises, aussi imprévisibles qu'impressionnantes, ont bien sûr contribué à forger le mythe. Lorsque Ian entrait en scène, on ne savait pas très bien dans quel état il allait en sortir, et sans accuser le public de voyeurisme, on peut imaginer qu'il régnait chez certains une forme de curiosité. Curtis, bien loin d’être un idiot, en rajoutait une couche, à grands coups de mouvements désordonnés et inquiétants. Pourtant l'apparition de la maladie fût un réel déchirement pour Ian. Lui qui rêvait d’une carrière musicale flamboyante et de jeunesse éternelle, le voilà handicapé, et contraint à une hygiène de vie qu'il ne peut simplement pas supporter. Conséquence de l'épilepsie ou véritable composante de sa personnalité, il lui faut en plus gérer une tendance de plus en plus forte à la dépression, aux idées suicidaires, et comme si ça ne suffisait pas, des doutes constants quant à sa qualité de mari et de père. On comprend mieux le désespoir abyssal qui règne dans les textes de Joy Division.
Là où l’oeuvre de Deborah surpasse toutes les autres biographies de Ian Curtis, c'est qu'elle s’attache à décrire l'être humain, et pas l'idole, sur laquelle tout a déjà été dit et écrit. Alors que Ian Curtis est toujours représenté (et d’autant plus aujourd’hui) comme un dieu, un génie intouchable et parfait, celle qui l'a le mieux connu en parle comme d'un homme presque ordinaire, avec ses défauts, ses zones d’ombre, et au final c’est pour le garçon profondément malheureux de 23 ans qu'on éprouve le plus de sympathie et de pitié. Touching From A Distance, à raconter la vie de Ian Curtis, est peut-être la meilleure clé pour comprendre l'œuvre de celui-ci.

Pour les plus obsessionnels d'entre nous, le livre inclut une série de photos personnelles, une discographie complète, la liste des concerts de Joy Division et toutes les paroles écrites par Curtis (demos, textes inachevés ou jamais publiés compris).

3 commentaires:

  1. Je sors de ma déprime post 18 mai... C'est marrant comment les maisons d'édition modifient les couvertures des bouquins dès qu'ils sont adaptés au cinéma...
    Enfin bref, moi j'ai adoré ce bouquin quand je l'ai lu il y a quelques années déjà, quant à Control, j'ai perdu ma dignité au ciné quand il est sorti en éclatant en sanglots dès qu'il fout The Idiot sur la platine... Même effet en DVD. Je voulais le mater hier soir, mais j'étais tellement pas bien que finalement j'aurais peut-être fini au bout d'une corde moi-même... J'aurais dû mettre 24 Hour Party People pour rigoler lol

    (Note personnelle: prendre trop d'ibuprofène provoque des migraines, il faut que t'aille chez le médecin pour commencer un traitement aux triptans - enfin chez moi, je fais souvent des cocktails molotov triptan-ibuprofène puis coma de 8h pour me débarrasser de mes migraines, c'est toujours mieux que se frapper la tête contre le mur, ce que je faisais à 16 ans)

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  2. C'est amusant je me suis également fait offrir ce livre récemment, je n'en suis qu'aux premiers chapitres mais on sent déjà que Debbie ne s'intéresse qu'à l'aspect humain de Ian Curtis, le faisant descendre de son piedestal mais le rendant peut être également plus accessible.
    Je ne sais pas si tu connais ce blog: http://neworder-recycle.blogspot.com/. Le dude qui l'a fait est un fou de Joy Division et New Order et il s'est amusé à remasteriser tout ce que ces groupes n'ont jamais sorti.

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  3. Control est un film génial ! Moi aussi après l'avoir regardé, j'ai fait une cure de Joy Division ;-) Ce que j'aime ce groupe ! J'avais aussi envie de lire ce livre de D. Curtis mais je n'ai pas réussi à le trouver en magasin :(

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