samedi 11 septembre 2010

Interpol - Interpol




Si je devais faire un classement des trois choses les plus tristes du monde, la liste donnerait quelque chose comme ceci:

1/ Rayer son vinyle préféré.
2/ Réaliser que le TARDIS n’existe pas.
3/ Assister impuissant à la dérive de ses idoles de jeunesse.

Nous avons découvert Interpol il y a presque une décénnie avec le sublime Turn On The Bright Lights, un album d’une classe folle évoquant les plus belles heures de la new wave. «Joy Division du pauvre! Imposteurs!», crièrent les rabat-joie. Peu importe, pour les fans l’avenir semblait radieux et la plupart eurent la chair de poule à la sortie de Antics deux ans plus tard, disque qui confirma tout le bien que nous pensions de l’élégante formation new-yorkaise. Et soudain les choses commencèrent à sentir le pâté périmé. Sorte de version ratée de ses prédécesseurs, Our Love To Admire montrait un groupe moins inspiré, presque prisonnier de son propre style. Cette petite erreur de parcours marqua pourtant le début d’une longue et douloureuse débâcle: entre l’album solo de Paul Banks franchement moyen (Julian Plenti Is... Skyscraper) et le départ de Carlos Dengler, éminent bassiste aux allures d’aristocrate bavarois d’un autre siècle, il y avait de quoi paniquer. Ceux qui s’attendaient à un retour en grâce risquent de s’arracher les cils à l’écoute de ce nouvel album éponyme pour le moins éprouvant.

J’aimerais sincèrement pouvoir tempérer mon discours mais je crois hélas que nous tenons là le Waterloo de l’année 2010, une lutte entre quatre musiciens combattant le manque d’inspiration avec des fléchettes alors que l’ennemi prépare les canons. Interpol fait partie de ces disques dont on n’a toujours rien retenu après plusieurs écoutes, il n’y a tout simplement pas de chansons, pas de vision, pas d’ambition. Le travail de composition semble inexistant et plombé par le chant sans nuance de Paul Banks, un comble pour un groupe dont la voix de leur chanteur était un de leurs atouts. Oubliés les refrains entêtants, les superbes lignes de basses vrombissantes qui donnent des frissons, les ambiances tantôt feutrées, tantôt menaçantes. On comprend mieux pourquoi la moustache de Carlos a préféré se faire la malle à la fin de enregistrement.

Évidemment certains nous diront «mais ici le groupe cherche à créer une atmosphère, un truc moins accessible», discours généralement employé pour ne pas admettre la faiblesse d’une mélodie. Effectivement un titre comme All Of The Ways dégage quelque chose d’oppressant et presque terrifiant mais le reste est d’une inconsistance désarmante et sonne vide, comme un puzzle auquel il manquerait des pièces. Ce n’est même pas une œuvre malade, c’est à dire une œuvre pas totalement mauvaise mais qui aurait pu être bien meilleure, c’est un album pénible, sans idées et ennuyeux au possible, long comme un cours de maths un lundi matin.
Pire encore, une fois la galette terminée je n’eus aucune envie d’y revenir, comme s’il n’y avait même pas une subtilité à découvrir, un trésor caché qui m’aurait échappé et qui se révèlerait au fil des écoutes. Quitte à être sévère jusqu’au bout je me demande si le groupe croit réellement en son travail tant il me semble inconcevable que des types ayant écrit The New ou Obstacle 1 trouvent un quelconque intérêt à ces nouvelles chansons.

Comment Interpol a-t-il pu en arriver là? Je me souviens des heures passées à écouter Stella Was A Diver And She Was Always Down ou Take You On A Cruise. Je me souviens du génial concert au Printemps de Bourges le 23 Avril 2005, de l’interprétation incroyablement tendue et intense de Roland et des bonnes tranches de rigolades en lisant certaines paroles de Paul Banks. C’était pour moi un groupe qui comptait même si je savais bien que leur place dans l’histoire du rock resterait minime.
J’éprouve toujours la même émotion dès les premières notes de Turn On The Bright Lights huit ans après l’avoir découvert, je ne me suis jamais lassée des deux premiers albums que je connais par coeur depuis si longtemps. Ces disques ne sont pourtant pas des chefs-d’oeuvre intouchables ni des disques majeurs mais les chansons laissaient entrevoir un grand talent, les plus optimistes pensaient avoir affaire à un groupe capable un jour d’écrire un album somptueux à la fois sombre et lumineux, quelque chose digne, au hasard, de Pornography des Cure. Mais Interpol sonne comme la dernière cartouche d’un groupe épuisé qui ne sait plus quoi faire pour rebondir. Peut-être vont-ils y parvenir mais aujourd’hui personne ne serait surpris de les voir splitter dans quelques mois.

Ceux qui ont vécu l’explosion du groupe en 2002 seront sans doute les plus affectés par cette débandade. Pour ma part Interpol restera éternellement lié à cette période où toute une bande de jeunes découvrait le rock. Nous avions enfin nos groupes, des musiciens dont les chansons et le style nous parlaient beaucoup plus que tout le reste. C’était l’époque de nos premiers concerts et une période bénie pour les fans de rock indé, en particulier 2004 et 2005: Kasabian, BRMC, Bloc Party, Arcade Fire, Warlocks, Rakes, Kills, Patrick Wolf, Franz Ferdinand etc sortaient tous d’excellents albums et le public attendait avec impatience de voir ce que l’avenir réservait à ces nouveaux talents.

Espérons qu'Interpol ne s’ajoutera pas à la longue liste des groupes surestimés après un début de carrière éclatant, après tout ce disque n'est peut-être qu'un accident. Si le meilleur est définitivement derrière eux, prions pour qu’ils prennent la bonne décision et se lancent dans de nouveaux projets plutôt que d’enterrer le cadavre une nouvelle fois. En attendant des jours meilleurs nous nous contenterons de réécouter Turn On The Bright Lights, tisane à la main et pantoufles aux pieds en marmonnant: «Ah! C’était mieux avant»...

Site officiel
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2 commentaires:

  1. Cette critique m'a complètement déprimée, mais il y a bel et bien du vrai dedans.
    J'ai néanmoins envie d'aller les voir en concert (une fois dans ma vie), rien que pour les titres des 2 premiers albums.

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  2. C'est tellement vrais... Quelle débâcle ! A l'inverse je trouve qu'Editor se bonifie avec le temps.

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