mercredi 6 juillet 2011

R*E*P*E*A*T Book



La chronique qui suit est pleine de nostalgie. Elle sent la colle bon marché, les découpages ratés et les années 90, les plus déprimés crieront « c'était mieux avant » et les autres auront peut-être envie à leur tour de créer leur propre fanzine et épouser une photocopieuse.

Tout d'abord, un peu d'histoire: R*E*P*E*A*T est un fanzine crée en 1994 par Richard Rosey à Cambridge, d'abord dédié aux Manic Street Preachers et édité à 65 exemplaires. Le contenu s'est vite diversifié pour mêler musique, politique et art, devenant rapidement une référence dans le microcosme punk et glam britannique. Le fanzine donne naissance à un label soutenant une multitude de groupes très pailletés ou très en colère contre la société puis se professionnalise, horreur ultime pour un fervent défenseur du Do It Yourself. Las, son créateur assassine R*E*P*E*A*T avant de le faire renaître au début du XXIème siècle et 17 ans après son premier numéro le fanzine devenu webzine est plus actif que jamais, un exploit pour un support généralement éphémère. L'idée de réunir les meilleurs articles et photos en un livre est donc excellente et offre un aperçu passionnant de 17 ans de créations et de coups de gueule.

Evidemment l'ouvrage fait la part belle aux Manics sans pour autant sombrer dans l'adoration. Les photos de concerts et reviews positives de 1991 à 2010 côtoient les lettres de fans mécontents, la plupart publiées au milieu et à la fin des années 90 et montrent clairement qu'en perdant Richey Edwards, le groupe a également perdu une partie de sa fanbase. On assiste à la guerre toujours d'actualité entre hardcore et casual, les premiers reprochant aux seconds de venir aux concerts uniquement pour chanter A Design For Life en buvant de la bière, tandis que les plus désenchantés couchent sur papier leur déception face à un groupe tour à tour vendu, trop éloigné des convictions de ses débuts, trop aseptisé.

Ces archives mettent également en lumière moult groupes aujourd'hui oubliés aux noms évocateurs, tous réunis sur une compilation gracieusement fournie avec le livre. The Virgin Suicides, Miss Black America, Johnny Panic, The Autons et leurs pochettes très soviétiques, l'Histoire ne retiendra sans doute pas leurs riffs mais ce disque très orienté pop indé et punk est un excellent cadeau parfaitement dans l'esprit du fanzine, brut, amateur, parfois engagé. Les photos de concerts offrent également une merveilleuse vitrine de tous les pires crimes de mode des années 90, entre le rouge à lèvres marron, les top en résille et les joggings, le rock ne fut jamais aussi mal habillé que durant cette étrange décennie.

Après la musique, la politique est le thème de prédilection de R*E*P*E*A*T. Sous forme d'articles, d'illustrations ou de slogans situationnistes les lecteurs commentent l'Irak, l'Afghanistan, la crise, les réductions budgétaires, la monarchie, le féminisme etc. Le ton est généralement humoristique, parfois tapageur, certains jugeront tout cela bien démagogique mais les autres trouveront ces missives nécessaires au moment où même le leader du Labour party Ed Miliband considère les grèves inutiles...

Le succès et surtout la longévité de R*E*P*E*A*T viennent en grande partie de cette sincérité, de l'ambition de ses collaborateurs qui veulent donner un véritable sens à leur fanzine : un groupe, un artiste ou un simple journal a le pouvoir dès qu'une personne l'écoute ou le lit, et si ce pouvoir est utilisé à bon escient alors les choses peuvent évoluer. Toute personne contribuant à la rédaction ne cherche pas seulement à chroniquer un disque ou descendre un groupe mais veut faire la différence, même à petite échelle. Les revendications ou articles politiques sont parfois un peu maladroits mais ont au moins le mérite de pousser le lecteur à aller plus loin, et si grâce à un fanzine ou un groupe un jeune fan de musique peut développer une vraie conscience politique alors tant mieux. Après tout, combien de mômes ont été éduqués par les Clash ou Black Flag?

Le créateur de fanzine ou de webzine n'est pas un journaliste. C'est une histoire de passion, de transmission et surtout de liberté et de contrôle total. La musique a plus que jamais besoin de fans partageant leurs découvertes à l'heure où les plus grands magazines spécialisés sont dénués de saveur, de talents éclatants, ne prennent aucun risque et enchaînent les couvertures et critiques prévisibles. Evidemment certains jugeront le format papier obsolète et ils n'auront pas tout à fait tort mais il y a dans ces pages photocopiées un charme désuet lié à l'aspect artisanal du fanzine, car en feuilletant ces drôles de collages il est tout simplement impossible de ne pas penser à la personne qui a passé son weekend à faire du découpage par simple plaisir.

Pour commander: site officiel R*E*P*E*A*T
10£, pour les frais de port contacter rosey@repeatfanzine.co.uk

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