vendredi 12 août 2011

Upside Down - The Creation Records Story



Lorsqu'un kid veut devenir une légende de la scène musicale indépendante, il a intérêt à tout miser sur ses riffs de guitare d'autant plus s'il veut faire entendre son talent depuis East Kilbride, ville banlieusarde écossaise qui semble être coupée du reste du monde. Alan McGee, un garçon du coin, a essayé. Rassemblés autour d'une même passion pour The Clash et PIL, il rencontre Bobbie Gillepsie à 15 ans et ensemble forment nombre de groupes. La reconnaissance ne venait pas mais être un autre garçon dans un groupe de plus valait mieux que de s'inscrire dans un job centre. Du talent Alan McGee en avait, celui d'être au bon endroit au bon moment. Il s'en est aperçu un soir en traînant près de Victoria Station à Londres où il est tombé sur les Television Personalities jouant devant quarante personnes. Face à eux, il a soudainement pris conscience qu'il ne voulait pas être dans le groupe mais qu'il voulait se l'approprier. De retour à Glasgow, il a décidé de co-fonder Creation Records. A partir de ce moment, cet amoureux de musique au goût expert sera à l'origine de bon nombre de nos groupes préférés pendant plus de 20 ans.

C'est dans un rockumentaire signé Danny O'Connor qu'Alan McGee a récemment délié sa langue. Avec ses principaux protagonistes à l'accent écossais à couper au couteau, Upside Down retrace les 17 années d'un label de légende. Cinq années et autres sacrifices ont été nécessaires pour convaincre Alan McGee de s'asseoir devant une caméra et parler. Exercice s'avérant difficile lorsqu'on a appris à briller dans l'ombre de groupes plus charismatiques. D'ailleurs, le premier à prendre la parole est Noel Gallagher racontant son voyage en train de Manchester jusqu'à Londres pour arriver dans les locaux de Creation Records et croire à une grosse blague. Au mètre carré, il n'avait jamais vu autant de dégénérés, de sociopathes, d'inadaptés. Pourtant la relation qu'Alan McGee tenait à entretenir avec ces gens là, fera le succès de son label.

A défaut du mouvement punk, produit des majors qui l'ont fait mourir aussi vite qui l'ont fait naître, la nouvelle scène musicale indépendante du début des années 80 a su elle mieux répondre à l'hécatombe du mainstream qui a touché la décennie 70 ne laissant le choix aux amoureux de musique qu'entre rock FM et rock FM. Le premier label indépendant Rough Trade fut un précurseur dans le genre. Grâce à lui, les charts indépendants sont nés et des groupes au son moins conventionnel ont pu exister. C'est dans cette initiative qu'une petite poignée de fans de musique se sont appropriés le droit de signer les groupes qu'ils aimaient écouter. Dans le lot, Alan McGee qui s'est installé en 1983 au Living Room, club de Tottenham, guettait le premier groupe qui allait faire émerger Creation Records. Après y avoir repéré The Loft, il emprunta 1000 pounds à une banque, enferma le groupe dans le plus cheap des studios et leur demanda de tout enregistrer en une seule fois. Back to basics, tel était l'essentiel. Cette manière primaire d'enregistrer n’aura pas gratifié le son de The Loft mais fera le succès d’un morceau qui mettra en marche la machine Creation Records. Six mois après leur formation, les Jesus And Mary Chain sortaient leur premier EP, Upside Down. Une bombe lâchée dans les charts indépendants. Le son saturé de ces trois minutes deux sera dorénavant la marque de fabrique du label. S'ensuivra l'album Psychocandy et l'on commencera tout doucement à parler de mouvement Shoegaze.

Bien plus qu'une histoire de musique, Creation Records c'était également une histoire d'attitude. Alan McGee haïssait les majors et prenait soin de signer les groupes qui auraient fait fuir tour à tour chacune d'entre elle. Dans une interview, Jim Reid clamait que sa guitare n'était pas faite pour jouer mais pour donner des coups. En 1985, lors d'un concert des Jesus And Mary Chain au North London Poly, le groupe a du interrompre son set après avoir provoqué une émeute. Dans ce chaos ambiant, Creation Records continuait à signer des groupes cruciaux. The House Of Love suivront puis Ride et ensuite My Bloody Valentine. Immédiatement supportés par la presse musicale anglaise, les groupes de Creation Records deviendront récurrents dans les charts indépendants. En 1989, dans le top trois des meilleures ventes, étaient successivement placés les albums de Primal Scream, My Bloody Valentine et Teenage Fanclub.

Très réticent à la nouvelle scène acid qui émergea de l'Haçienda puis de la Factory, Alan McGee s'est finalement laissé convaincre d'installer les bureaux de Creation Records à Manchester à la fin des années 80. Dans une interview accordée à Tony Wilson pour son émission So It Goes, il justifiait son choix en déclarant qu'à Manchester, on y trouvait les meilleures drogues. A cette époque Bobbie Gillepsie se détachera progressivement de la mouvance indie du label pour intégrer à la nouvelle musique de Primal Scream des éléments, notamment les beats de la scène acid. Screamadelica, l'un des plus importants album du label sera une référence à la toute nouvelle scène Madchester.

Aux début des années 90, les multiples excès au sein de Creation Records amèneront le label au bord de la faillite. McGee est obligé de vendre des parts à Sony. Mais 1993 sera une année cruciale au label. Il vient de signer Oasis. Le succès est immédiat et fulgurant. Creation Records est emporté dans le tourbillon de la Brit Pop. Le label s'installe à Primrose, quartier plus chic de Londres. Cependant, l'addiction d'Alan McGee aux drogues dures l'empêcheront de rester la main forte du label. Sony en profite pour donner une image plus saine au label. Le ménage est fait au sein de la Ginger Connection. (What's The Story), Morning Glory?, second album d'Oasis, se vend à plus de 20 millions d'exemplaires. L'Amérique comme le reste du monde sont conquis. Les gens de Sony ne seront obsédés que part une chose, réitérer le succès d'Oasis. Mais ni les Boo Radleys, ni le Super Furry Animals y arriveront. En 1996, les deux concerts donnés par Oasis à Knebworth Park marqueront à la fois l'apogée du label mais également le début de son effondrement. Alan McGee commence à ressentir une certaine aversion à l'égard de sa Creation. Les années suivantes, il se fait de plus en plus discret. En 2000, il décide de vendre le reste de ses parts à Sony et le label sera définitivement dissout.

Pour beaucoup, la fin du label sonnera le glas du véritable esprit indépendant. Les années 2000 auront vu la scène indépendante s'institutionnaliser. L'étiquette « indie » en perdra son sens initial. Elle n'est désormais prétexte qu'à beaucoup de groupes signés dans des majors à rechercher une certaine intégrité et à réconforter leur manque d'originalité. La génération Creation Records toute fois bien morte, nous aura au moins laissés une discographie sans le moindre faux pas.


Playlist Creation Records:
 Adorable, Sunshine Smile
 Saint-Etienne, Like A Motorway (alternative version)
Primal Scream, Loaded
Ride, Vapour Trail
My Bloody Valentine, Blown A Wish
Slowdive, Waves
Oasis, Bring It On Down
Felt, Rain Of Crystal Spires
 The House Of Love, Christine
The Pastels, Baby Honey
Teenage Fanclub, Star Sign
The Weather Prophets, Like Frankie Lymon
The Telescopes, Celeste
The Jesus And Mary Chain, Happy When It Rains 


Texte & Playlist : Annalisa Jablonska.

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