mardi 3 janvier 2012

Manic Street Preachers - O2 Arena (London) - 17.12.11


Impossible n’est pas Gallois. Éternels outsiders, les Manic Street Preachers ont la réputation d’aimer les challenges fous. Devenir numéro un des charts avec une chanson sur la guerre civile Espagnole ? Jouer devant Fidel Castro ? Faire s’étouffer la BBC en y chantant en direct « fuck the Queen and country » ? No problemo. Plus c’est dingue, plus ça les tente ! Pour fêter la sortie de la compilation National Treasures, le groupe s’est imposé un défi tout aussi casse-gueule : remplir l’O2 Arena (20000 places) et y jouer l’intégralité de ses singles, soit 38 titres, d’affilée. Un véritable marathon musical, mais après tout, les Manics ne survivent-ils pas depuis déjà 23 ans ?
Quiconque a déjà assisté à une tournée des Manics sait à quel point le concert en lui-même ne représente qu’une partie du plaisir qu’on peut trouver à les voir. Il y a tous ces rituels pré-concert : préparer la tenue idéale des semaines à l’avance, aller « queuer » à des heures indécentes pour s’assurer une place à la barrière, se maquiller à même des trottoirs glacés et déconcerter les passants… Cette fois-ci le manque de temps, les trains annulés par la tempête, et des individus peu scrupuleux ont bien failli remettre tout cela en question. Mais lorsqu’enfin, accrochée à la barrière de l’impressionnante O2 Arena, je fais une ultime retouche de rouge à lèvres, je réalise que tous les retards de train du monde ne pourraient me voler la joie qu’il y a d’être ici et maintenant, prête à y voir ce groupe qui est presque tout pour moi depuis des années.


Des dizaines de classiques de Noël à la sauce Motown plus tard, l’immense rideau argenté s’ouvre enfin sur Speed Of Life de Bowie, et révèle un décor absolument féérique et girly à souhait, digne d’une comédie musicale du West End. Aurais-je par erreur acheté un ticket pour Priscilla Folle Du Désert ? Denise et son chien, déjà rencontrés plus tôt, y côtoient un singe pailleté pendu aux branches de cerisiers en fleurs illuminés, référence évidente (les cerisiers, pas le singe) à Richey Edwards, dont la présence bienveillante accompagnera le groupe tout au long du concert. Et enfin nos trois chers Valley Boys, sur leur 31 pour l’occasion, font leur entrée sur scène.
Commencent alors trois heures de folie, de souvenirs joyeux ou mélancoliques, de grands moments de rock ‘n roll et d’émotions incontrôlées. La carrière musicale du trio étant aussi diversifiée et chaotique que leur vie en tant que groupe, cette soirée est l’occasion de passer en revue les grandes heures des Manics comme les années les plus obscures. Et le contraste est d’autant plus jubilatoire que toujours surprenant.


Il y a d’abord les valeurs sûres : Motorcycle Emptiness, You Love Us, Faster, qui à tous les coups font chanter la foule entière à en faire trembler tout Greenwich. Des milliers de doigts pointés vers la scène rythment alors ces paroles aujourd’hui devenues classiques, pourtant écrites par deux gamins à peine sortis des jupes de Maman. De quoi permettre aux vieux fans de se souvenir des « good old days », et aux plus jeunes de réaliser, que vingt ans avant eux, des garçons ordinaires et sortis de nulle part ont ressenti les mêmes angoisses, les mêmes tourments.
Viennent ensuite des petits miracles tels Love’s Sweet Exile ou Revol, titres joués tellement rarement, et pourtant puissants comme des bombes à neutrons, anéantissant tout espoir de sortir de ce concert vivant. Les premiers malaises surviennent, je risque de mourir écrasée contre une barrière ou assommée par des slammeurs, mais qu’importe, c’est tellement bon.


Certains singles un peu mauvais, résultats d’erreurs marketing ou de simples passages à vide, se révèlent être de belles surprises, telles Ocean Spray et sa magnifique nouvelle intro à la trompette, ou la récente This Is The Day d’apparence assez fadasse, et qui ce soir prendra un tout autre sens, notamment grâce au clip assez émouvant qui l’accompagne sur écran géant. Certains titres (Empty Souls, There By The Grace Of God), pourtant pas si mauvais, sont eux quelque peu décevants, peut-être par manque de bonne volonté du groupe. Et puis il y a les chansons qui devraient définitivement, éternellement, rester au placard : Indian Summer, The Love Of Richard Nixon… 
Évidemment, ces quelques coups de mou n’enlèvent rien à la liste impressionnante de tubes que les Manics ont produits et joueront ce soir : If You Tolerate This Your Children Will Be Next, Stay Beautiful, From Despair To Where, Masses Against The Classes, Roses In The Hospital… pour n’en citer que quelques uns.
Enchaînant les titres à une vitesse éreintante, le groupe n’est pas mécontent de faire une brève pause après une heure et demie de concert. Pour ensuite reprendre de plus belle.


Présents pour l’occasion, Gruff Rhys des Super Furry Animals, puis Nina Persson des Cardigans, bien que fort sympathiques et appréciés du public, peinent à voler la vedette au groupe que tout le monde est venu voir. Invités pour chanter respectivement sur Let Robeson Sing et Your Love Alone Is Not Enough, ils n’ont pas réussi à marquer ce concert déjà en soi assez épique.
Bien entendu, Nicky Wire profita de ces trois heures de concert pour se la jouer Lady Gaga, et changer pas moins de trois fois de tenue, la dernière fois en enlevant carrément son jean sur scène, pour le plus grand plaisir des demoiselles du premier rang… Il finira le concert en robe à fleurs, des paillettes sur la figure et une crampe à l’épaule. Un jour normal pour Wire.


Trois heures plus tard, alors que nous sommes passablement épuisés, physiquement et moralement, et après un dernier Motown Junk de folie, l’éternelle Design For Life se charge de nous achever. Plus que jamais, la foule porte les mots de cet hymne working-class comme un seul homme, et malgré nous, l’émotion est si forte, le sentiment d’appartenir - enfin - à quelque chose de plus grand que nous est si intense, qu’on assiste à une sorte de communion, quasiment d’hystérie collective, et c’est si unique, si puissant, qu’aucun mot ne pourra jamais faire réellement justice à ce moment. 
Comme à chaque fin d’ère dans le groupe, une partie du décor ainsi que la basse de Nicky finit en miettes. Il neige des confettis aux couleurs du Pays de Galles. Nous pleurons tous, dégoulinants d’amour et de mascara.
C’est peut-être ça, la magie de Noël.

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