mercredi 17 mars 2010

Black Rebel Motorcycle Club - Beat The Devil's Tattoo



I fell in love with the sweet sensation/ I gave my heart to a simple chord/ I gave my soul to a new religion.
Si je devais choisir le groupe qui a marqué mes années 2000, ce serait sans l’ombre d’un doute le Black Rebel Motorcycle Club. Fidèle à son éthique depuis son premier album, la formation californienne continue d’explorer les tréfonds d’un rock hanté et crade profondément ancré dans la culture américaine. Ce dévouement total à la mythologie rock’n’roll est justement ce qui fait tout le charme de leur musique: pas de compromis, pas de demi-mesure, Robert Levon Been et Peter Hayes en font des caisses et nous ressortent tous les clichés du genre depuis plus de 10 ans, du blouson en cuir aux riffs gras en passant par leur nom piqué au club de motards de Brando dans l’Equipée Sauvage. Ils pourraient sombrer dans le ridicule mais l’ensemble fonctionne toujours à merveille.

Formé en 1998 par Robert Levon Been, Peter Hayes (ex Brian Jonestown Massacre) et Nick Jago, le trio connait le succès dès son premier album éponyme porté par un single génial et fédérateur, Whatever Happened to My Rock’n’Roll.
Les choses se gâtent en 2004 lorsque Nick Jago se fait la malle en Ecosse, laissant ses deux camarades terminer la tournée et enregistrer l’album Howl, superbe hommage à Allen Ginsberg et la Beat Generation sur fond de guitares acoustiques et d’harmonica. Jago finit par revenir et quitte à nouveau le groupe en 2008 à quelques jours d’une tournée européenne pour des raisons encore obscures. Aujourd’hui réfugié dans un monde où se côtoient chansons folk gentillettes, expérimentations photographiques étranges et ours polaires, Jago est remplacé au pied levé par l’excellente Leah Shapiro qui, espérons-le, sera un peu plus stable que son illustre prédecesseur méchu.

C’est donc avec Leah que fut enregistré ce Beat The Devil’s Tattoo dont la première écoute s’avère plutôt déconcertante. Le son est massif, l’ensemble cohérent et brutal comme un coup de poing dans l’estomac mais les fans auront sans doute l’impression d’avoir déjà entendu toutes ces chansons quelque part. Moins lisse que Baby 81 qui contenait une poignée de chansons superbement écrites perdues au milieu de compositions un peu fades, ce nouveau disque se dévoile au fil des écoutes et s’avère être une parfaite synthèse de toutes les influences du groupe. En gros, ceux qui avaient apprécié les mélodies entêtantes et immédiates de Baby 81 trouveront le songwriting plus faible et ils n’auront pas tout à fait tord, mais ceux qui regrettaient le son tonitruant des débuts seront en revanche comblés.

Le début de l’album est tout simplement fracassant. Le titre d’ouverture et single Beat The Devil’s Tattoo semble tout droit sorti de Howl avec sa guitare slide et son esprit Delta blues électrifié, Conscience Killer sonne comme un nouveau Six Barrel Shotgun tandis que le formidable Bad Blood s’impose comme l’un des meilleurs titres. L’oppressante War Machine, écrasante comme la chaleur californienne, vient clore la première partie de l’album.
Judicieusement placée après le rouleau compresseur War Machine, Sweet Feeling déçoit légèrement, comme toutes les ballades de ce disque qui n’égalent en rien les sublimes Devil’s Waitin’ ou Mercy. La plus réussie et la plus surprenante est celle qui figure sur l’édition vinyle, Annabel Lee, mise en musique du dernier poème d’Edgar Allan Poe. La voix de Robert presque méconnaissable chante la mort de l’épouse du poète avec pour seul accompagnement un piano absolument glaçant. Ce dépouillement extrême donne à la chanson toute sa portée dramatique sans tomber dans la mièvrerie.

Comme d'habitude, le groupe oscille constamment entre noirceur empoisonnée et sensualité poisseuse, entre électricité et folk habitée. River Styx, Shadow’s Keeper ou l’orgasmique Aya (qui nous prouve une fois de plus que Peter hurle et susurre magnifiquement) s’inscrivent dans la plus pure tradition BRMC. Fermez les yeux et visualisez cette Amérique mythique obsédée par Dieu, le Diable et la rédemption, celle des motels minables perdus dans le désert et des clochards célestes immortalisés par Kerouac.
Mais un album des BRMC ne serait pas tout à fait réussi sans son traditionnel morceau de 10 minutes. La bête se nomme cette fois-ci Half-State et recycle ce psychédélisme vénéneux qui faisait la beauté de leur premier opus.

On peut reprocher à ces hommes en noir de ne pas évoluer, de manquer d’originalité et de toute évidence ceux qui adhèreront à ce disque s’en moqueront éperdument. Dieu merci il nous reste un groupe célébrant divinement ce que le rock’n’roll fut à l’origine: une musique de parias venue des bas-fonds, un art né de la révolte et synonyme de sueur, de sexe et de sang. Nul doute que les prochains concerts achèveront de convaincre les sceptiques car si les albums du Club sont imbibés d’essence, alors la scène est l’allumette qui met le feu à la bécane...

Site officiel
Myspace

3 commentaires:

  1. La chute de ton article est tout simplement géniale; c'est EXACTEMENT ça.

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  2. super chronique. tu as occulté volontairement The effects of 333 ? l'album contredit complètement l'idée d'un manque d'évolution, même si ça reste évidemment très récent. une vraie bombe atomique pour ceux qui accrochent à l'ambient / drone.

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  3. J'avoue que je les avais un peu laissés tomber mais à la sortie de Beat The Devil's Tattoo, je me suis réécoutée toute leur discographie (sauf The Effects of 333) et depuis je ne peux plus m'en passer ahah d'ailleurs j'ai l'intention d'écrire un petit article à leur sujet ;-)

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