mardi 5 octobre 2010

Zola Jesus - Stridulum II



I see a red door and I want to paint it black, chantait dans les années soixante notre Mick Jagger adoré. Il semblerait en effet qu’en ces temps de crise aussi colorés et chaleureux qu’un terril tous les jeunes musiciens aient décidé de repeindre le monde couleur océan mazouté, remercions donc de tout coeur ces groupes aux allures de chauve-souris sous Prozac qui, en plus de nous faire beaucoup rire tant ils se prennent au sérieux, nous livrent sur un plateau une multitude de morceaux parfaits pour se noyer dans un puits en toute sérénité. Avouons que Joy Divison est un peu surfait, je vous propose donc une autre artiste venue des ténèbres: Zola Jesus.
Pour être honnête j’ai décidé d’écouter sa musique uniquement parce qu’une personne choisissant Zola comme pseudo ne peut pas être foncièrement mauvaise. Derrière cet étrange nom de scène se cache la très jeune Nika Roza Danilova, 21 ans, étudiante en philosophie dans le Wisconsin et à la traditionnelle question «qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grande?», la petite Nika répondait probablement «Lydia Lunch». Après plusieurs essais tâtonnants et moins accessibles sort ce fascinant Stridulum II, un nom digne d’un album de rock prog des années 70, version longue de l’EP Stridulum sorti plus tôt cette année.

Sachez que la très avenante pochette de l’album vous éclairera plutôt bien sur le contenu. Comme sur ses précédents disques, Zola Jesus cherche avant tout à créer une atmosphère oppressante et poisseuse, une musique qui s’écoute seul dans le noir en plein orage, si vous possédez un donjon près d’une forêt l’expérience n’en sera que plus mémorable. On pense aux années 80, à cette new wave si souvent malmenée par tous ces groupes qui tiennent absolument à nous montrer qu’ils souffrent plus à l’intérieur que leurs petits camarades. Stridulum est un authentique disque d’évasion, une porte grinçante s’ouvrant sur un monde brumeux et menaçant. La voix de Rika sonne comme celle d’un fantôme errant dans un parc d’attractions désaffecté (et croyez-moi, il n’existe rien de plus glauque qu’un parc d’attractions laissé à l’abandon) et la chanteuse n’en fait jamais trop, ne cherchant jamais à donner dans la prouesse vocale prétentieuse et inutile. Tous les codes du genre sont évidemment présents, chœurs hantés (Stridulum, Run Me Out), rythmique simple parfois quasi militaire (Manifest Destiny, Night), parfois semblable à un coeur battant (Tower), drones inquiétants, je me plais à croire qu’une telle musique nous accueillera lors du jugement dernier. On ne sera pas surpris d’apprendre que Zola Jesus a tourné avec Fever Ray, autres maîtres d’une musique électronique ingénueuse et torturée.

Si les anciens travaux de mademoiselle Jesus ressemblaient plus à des bricolages bruitistes destinés à aggresser les oreilles des auditeurs, ce Stridulum II adoucit les contours des pierres tombales, prouvant que le sens mélodique de la jeune artiste s’aiguise chaque jour un peu plus. Moins brut, moins inaccessible, avec ce disque Nika a trouvé la formule pour plaire aussi bien aux fans du genre qu’aux simples curieux. Certains trouveront sans doute que sa musique perd en intensité, les autres y verront une évolution logique et la promesse d’un bel avenir. Espérons simplement que Zola Jesus survivra à cette hype noir corbeau, si ce n’est pas le cas il nous restera toujours cette œuvre envoûtante qui vous donnera, avec un peu d’imagination, l’impression d’être dans un roman gothique peuplé de mystérieux personnages arpentant les couloirs sombres d’un glacial château. Et c’est déjà pas mal.

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