samedi 13 novembre 2010

Manic Street Preachers - Newport (23.10), Bristol (25.10) & Leicester (31.10)



Nothing turns out like you want it to. J'aimerais parfois dire à Richey Edwards d'arrêter de m'asséner ses vérités assassines, en particulier lorsque je suis sur une route quelque part entre Bristol et Birmingham et que je n'ai à cet instant aucune raison de détester la vie et mon prochain. Désolée mon petit, toi et tes mots désespérés ne peuvent m'atteindre, reviens dans une semaine. Hélas Richey a raison et rien ne se passe comme prévu. Notre tournée de cinq dates (Newport, Bristol, Birmingham et 2xLondres) se verra subitement réduite à deux, puis trois grâce à un fabuleux rebondissement de dernière minute.

Tout commence à Birmingham. La ville la plus laide de Grande-Bretagne toute en grenat et anthracite nous accueille sous un temps apocalyptique probablement annonciateur des catastrophes à venir, on ne serait pas surpris de croiser Hadès dans les rayons de Debenhams ou à côté d'un abominable Tesco qui n'a pas été rénové depuis 1979. Lorsque quelques minutes après notre arrivée nous apprenons que le concert de ce soir est annulé, les questions fusent. Nicky Wire s'est-il brisé un genou? A-t-il le chikungunya? S'est-il démis l'épaule en décrochant le téléphone (true story)? Non, James Dean Bradfield n'a plus de voix et hélas le malheureux ne la retrouvera pas assez vite pour assurer les concerts londoniens.

Mais que font deux fans des Manics désespérées lorsqu'elles réalisent soudain qu'avec un car National Express et beaucoup de chance elles peuvent se rendre au concert (complet) de Leicester le 31 octobre? Elles débarquent à 9h du matin dans une ville inconnue sans valise, sans chambre d'hôtel et sans ticket, ne comptant que sur leur culot pour espérer une place sur la guestlist. Et lorsqu'après 9 heures d'attente vous êtes enfin agrippé à la barrière grâce à la gentillesse d'un tour manager visiblement ému par votre détermination, vous vous dites que le coup de folie en valait la peine. Mais revenons au point de départ.

La première étape de cette tournée avortée est Newport. Une petite ville étrange, pas forcément jolie mais terriblement attachante, perdue au milieu des superbes vallées galloises aux verts les plus éblouissants. Suivent Bristol et Leicester malheureusement parcourues trop vite, ne soyez pas étonnés si les trottoirs sont désormais parsemés de paillettes roses.

Voir les Manics au Pays de Galles est forcément une expérience inoubliable. Considérés sur sa terre natale comme un véritable trésor national, le trio triomphe avant même de jouer une note et le pied de micro de Nicky, cette immense tour de plumes où s'entrelacent mille boas multicolores, est acclamé comme le pape au balcon du Vatican. Un rideau d'un rouge étincelant sert de cadre à un décor situé quelque part entre le cabaret et la vitrine d'une friperie disco, des mannequins pailletés ornés de boas sont assis sur les amplis, la lumière dévoile doucement cette fascinante mise en scène avec le majestueux Silver d'Echo & The Bunnymen en fond sonore.

Pointless fact: cette créature de lumière se nomme Denise.

Sans surprise le groupe joue la carte de la setlist prudente scindée en trois parties: nouveaux titres, tubes, set acoustique. Les fans des Manics sont connus pour leur exigence, dans nos rêves les plus fous la setlist parfaite serait constituée de l'intégralité de The Holy Bible + Patrick Bateman mais tout ceci n'est que pur fantasme.

Ouvrir par You Love Us est une idée simple mais redoutable: le concert démarre en trombe et les premiers rangs sautent, shout et point sans relâche durant plusieurs morceaux. Qu'importe la ville les tubes du groupe sont toujours honorés par un public qui s'époumone, même s'il faut bien avouer que les foules de Bristol et Leicester nous semblèrent bien endormies par rapport à Newport. The Masses Against The Classes, Motown Junk et Faster sont d'une puissance infinie, les guitares hurlent et la basse bourdonne à en faire vibrer le sol, je crois sincèrement qu'il n'existe rien de plus jouissif que de se faire écraser contre une barrière en criant « I know I believe in nothing but it is my nothing ». Bien remis de son hernie discale Nicky évolue sur scène de façon toujours aussi singulière, entre scissorkicks,entrechats et French Cancan au ralenti le bassiste au sourire de Cheshire Cat fait décidément un usage fort plaisant de ses pattes folles. James et Nicky sont particulièrement bavards et partagent quelques anecdotes forcément cocasses où se mêlent harpistes quadragénaires en jupe, concerts d'Echo & The Bunnymen et souvenirs de cette glorieuse époque où Richey et Nicky étaient incapables de jouer de leur instrument.

Mais les morceaux qui provoquent immanquablement l'hystérie resteront éternellement Motorcycle Emptiness et bien sûr A Design For Life. Idéalement placé en fin de concert, ce chef-d'œuvre est toujours un magnifique moment de rassemblement, un hymne dédié à la fierté prolétaire qui prend tout son sens dans le contexte actuel. La lutte des classes a toujours été un sujet essentiel chez les musiciens britanniques et face à un rock indé actuellement vide de toute conscience politique A Design For Life s'impose comme une chanson intemporelle et nécessaire. Une valse enivrante, un texte court et percutant, c'est finalement lorsqu'ils donnent dans la simplicité que les Manics sont les plus pertinents.

Ces moments de furie collective sont interrompus par le controversé set acoustique généralement considéré par les spectateurs comme la « pause pipi » quel que soit le groupe, mais grâce à un choix de chansons judicieux James évite de chanter devant 1500 personnes remettant en place leur braguette. Le mini-set débute par Small Black Flowers That Grow In The Sky, un morceau éthéré et bouleversant prouvant une fois de plus que le dépouillement sied parfaitement aux textes sans concession de Richey. Un délicat murmure remplace les hurlements, chacun chante du bout des lèvres comme pour ne pas réveiller les esprits et pleurer l'absence de celui qui n'a pourtant jamais cessé d'être là.

Qui en revanche aurait pu prévoir que You Stole The Sun From My Heart, un titre moyen et peu inspiré, soit un véritable bonheur en acoustique? James s'en donne à coeur joie, tourne sur lui-même telle une toupie infernale et se moque du public qui massacre joyeusement le refrain, tout ceci est joyeux, festif, youpitralala faisons la ronde tous ensemble avant de nous entretuer malgré nous durant Faster.

Cette ambiance électrique reflète à merveille l'état d'esprit avec lequel les Manics ont abordé cette tournée et le dernier album, Postcards From A Young Man. (It's Not War) Just The End Of Love, Postcards et Golden Platitudes prennent une ampleur insoupçonnée en live et Nicky en particulier prend de toute évidence un plaisir infini à jouer ces morceaux pour le moins épiques. Some Kind Of Nothingness souffre légèrement de l'absence des chœurs et de Ian McCulloch et on regrette tout de même que la deuxième partie de l'album soit totalement négligée tant A Billion Balconies Facing The Sun ou Don't Be Evil semblaient taillés pour la scène.

Après deux concerts excellents mais sans réelle surprise, il faudra attendre Leicester pour vivre ce qui sera pour beaucoup l'apothéose de cette tournée.

James à peine remis de sa laryngite assure néanmoins le show avec la verve de ceux qui ont quelque chose à se faire pardonner, laisse au public le soin de brailler quelques refrains et nous offre le plus incroyable des cadeaux, un instant historique pour les fans de Nicky et du pain béni pour ses détracteurs: Wire seul sur scène avec une guitare, du jamais vu dans la carrière des Manics. Le public en rit d'avance, sans doute encore marqué par les très nobles performances de Nicky en 2006 lors de sa tournée solo sous forme d'ode au rose bonbon et au chaos scénique, performances plus proches du happening ou du one-man show que du concert. Mais ce soir Miss Newport nous laisse pantois. Sa version épurée de The Future Has Been Here 4Ever est un régal, finies les prestations dignes de celles de tata Josiane ivre morte à un mariage, ce soir Nicky Wire est Susan Boyle, la foule d'abord moqueuse lui fait un triomphe et c'est précisément pour ce genre de moments que les kilomètres, les heures d'attente sous la pluie et les côtes malmenées contre la barrière en valent la peine. Le reste du concert peut être banal, le public décevant et la setlist inchangée, ces quatre minutes de grâce nous rappellent pourquoi nous sommes ici et pourquoi assister à plusieurs concerts est une chance.

Pour les fidèles chaque show s'apparente à une immense fête où se côtoient imprimé léopard et slogans situationnistes, chorégraphies stupides et paroles nihilistes. Musique, art, socialisme et surtout littérature, le groupe a dès ses débuts choisi de partager toutes ses influences, parsemant chansons et pochettes de références obscures attisant la curiosité de fans insatiables. La soif de culture a toujours été essentielle pour les Manics au même titre que la politique et une image très étudiée (si l'on oublie l'affreuse « période beige », un véritable cauchemar d'esthète), créant avec leur public un lien unique et bien plus profond que le traditionnel musicien demi-dieu/admirateur en pâmoison. A mille lieues des rockstars préférant parler sexe et cocaïne, les Manics furent pour beaucoup de fans des professeurs de substitution accomplissant ce que l'école a généralement bien du mal à faire admettre aux élèves, c'est à dire que la connaissance est le seul moyen de se sortir d'une vie ennuyeuse et tracée d'avance. Ambitieux, prétentieux, sublimes, ridicules, les Manics ont suscité autant d'amour que de haine mais quel groupe actuel peut se targuer d'avoir une telle influence sur son auditoire? Après le concert de Newport un mot m'est venu à l'esprit: fierté. Assumant plus que jamais leurs origines James, Sean et Nicky ont accompli le miracle d'être toujours là après vingt ans de carrière et les fans gallois peuvent s'enorgueillir d'avoir sur leur terre un groupe infiniment important qui continue d'inspirer des milliers de fans à travers le monde. Simon Price écrit dans Everything: « I was left reeling, stunned, thrilled, confused. In an instant, Manic Street Preachers were the only band in the world ». Pour nous aussi, durant cette tournée, ils l'étaient.

Newport Centre, 23.10.2010:


You Love Us
Your Love Alone Is Not Enough
Motorcycle Emptiness
It's Not War Just The End Of Love
Jackie Collins Existential Question Time
Roses In The Hospital
Postcards From A Young Man
This Is Yesterday
La Tristesse Durera
Some Kind Of Nothingness
Ocean Spray
Masses Against The Classes
Everything Must Go
If You Tolerate This Your Children Will Be Next
Small Black Flowers That Grow In The Sky
You Stole The Sun From My Heart
Faster
No Surface All Feeling
Golden Platitudes
Suicide Is Painless (Theme From M*A*S*H)
Motown Junk
Tsunami
A Design For Life

Colston Hall, Bristol, 25.10.10:

You Love Us
Your Love Alone Is Not Enough
Motorcycle Emptiness
It's Not War Just The End Of Love
Jackie Collins Existential Question Time
Roses In The Hospital
Postcards From A Young Man
This Is Yesterday
La Tristesse Durera
Some Kind Of Nothingness
Ocean Spray
Kevin Carter
If You Tolerate This, Your Children Will Be Next
Small Black Flowers That Grow In The Sky
You Stole The Sun From My Heart
Faster
No Surface All Feeling
Golden Platitudes
Suicide Is Painless (Theme From M*A*S*H)
Motown Junk
Tsunami
A Design For Life

De Monfort Hall, Leicester, 31.10.10

You Love Us
Your Love Alone Is Not Enough
Motorcycle Emptiness
It's Not War, Just The End Of Love
Jackie Collins Existential Question Time
Roses In The Hospital
Postcards From A Young Man
This Is Yesterday
La Tristesse Durera
Some Kind Of Nothingness
Ocean Spray
Everything Must Go
If You Tolerate This Your Children Will Be Next
The Future Has Been Here 4 Ever
You Stole The Sun From My Heart
Faster
No Surface, All Feeling
Golden Platitudes
Suicide Is Painless - Theme From M*A*S*H
Motown Junk
Tsunami
A Design For Life

Photos: http://www.flickr.com/photos/cellophanesounds/
Site officiel

5 commentaires:

  1. superbe review et beaucoup d'émotions !
    ça me donne envie de les voir en live à mon tour mais malheureusement je ne crois pas que ce soit pour cette année
    merci en tout cas de partager ces moments avec nous :)

    RépondreSupprimer
  2. Contente que vous ayez pu faire Leicester! Moi c'est bon pour janvier dans le froid devant la Brixton Academy! (je me disais aussi que c'était pas possible de faire la queue pour un concert des Manics dans une température aussi "élevée" lol)

    RépondreSupprimer
  3. Notre journée à Leicester fut quand même bien stressante, nous sommes arrivées à 9h30, le groupe dans l'aprèm et Angus nous a dit oui pour la guestlist vers 18h! En gros on a flippé jusqu'à l'ouverture des portes.
    En tout cas c'est génial pour janvier, on pourra de nouveau queuer ensemble!

    RépondreSupprimer
  4. Queuer dans la neige ou par -10°C, ça va être super CoR, j'ai hâte! :/

    RépondreSupprimer
  5. J'ai déjà tout affronté pendant mes queues, donc peu importe!

    RépondreSupprimer