mardi 16 novembre 2010

Suede - Bush Hall (London) - 27.10.10



Je fais souvent des rêves étranges. C’est-à-dire qu’à défaut d’avoir une vie palpitante, mon inconscient se prend fréquemment pour Dali, et remplit mon sommeil de délires sous LSD. Une nuit Nicky Wire vêtu d’une robe de mariée donne un concert dans ma fac de médecine, puis je joue au ping-pong - sport érotique s’il en est un - avec son acolyte James Dean Bradfield. Parfois je suis pourchassée par des soldats allemands qui ne me veulent visiblement pas que du bien, et récemment j’ai passé une nuit d’un platonisme frustrant avec Benoît Hamon. Tenez, il n’y a pas si longtemps, j’ai même rêvé que Brett Anderson, chemise ouverte et la mèche lisse et soyeuse, était dans mes bras, et qu’on chantait Trash tous les deux, sous un énorme lustre en cristal. Oh mais attendez une seconde…

Quelque part dans une rue pas vraiment glamour de Shepherd’s Bush, c’est l’effervescence. Derrière une porte plus qu’anonyme, 350 privilégiés sont venus applaudir Suede dans le somptueux Bush Hall. Le groupe, aux oubliettes il y a encore un an, poursuit ici sa reconquête de l’Angleterre, 18 ans après avoir enflammé le pays avec sa britpop teintée de glam et d‘ambiguïté sexuelle. Le concert est en effet une promotion de leur deuxième best of qui sortira quelques jours plus tard, toute la presse a ainsi été conviée. Pour moi qui avait raté leur passage désormais mythique au Royal Albert Hall en mars dernier, j’ai conscience d’assister à mon premier concert dans des conditions inespérées : cette salle est bien minuscule par rapport à l’O2 Arena que le groupe s’apprête à remplir en décembre, et le simple fait d’avoir obtenu un billet pour ce soir relève quasiment du miracle (les rares places commercialisées sont parties en une poignée de secondes). En apercevant les incontournables David Barnett et Simon Price, on réalise vraiment que pour une fois, nous sommes là où il faut quand il faut, et pour être honnête cette jubilation est loin de déplaire à notre orgueil.



Mais avant de pouvoir admirer les déhanchés indécents de notre cher Brett, nous sommes mises à l’épreuve. La première partie, les Midimidis, est tellement désastreuse que ça ressemble presque à une parodie. Le duo de geeks, arborant t-shirt Attack Monster Munchies et ceinture PacMan, se défoule pendant un laps de temps qui paraîtra infini sur une pédale de distorsion et une pauvre boîte à rythme, qui entre deux samples extraits de SuperMario, éructe un tempo à faire criser un épileptique. Le « chanteur » semble possédé par Sonic le hérisson, le guitariste joue en autiste, c’est tellement horrible que ça en devient drôle, et nous pleurons de rire (et un peu de douleur aussi) sur la barrière. Le point culminant de cette vaste blague arrive quand le frontman au charisme d’une huître empoigne une guitare à laquelle il reste deux cordes. Puis une. Puis plus aucune. Entre air guitare et n’importe quoi punk, le pathétique vire ici au sublime, et j’ai une pensée émue pour ce garçon qui, s’il lui reste encore une infime part de dignité, a dû vivre à cet instant le plus grand moment de solitude de toute sa vie.

Nous semblons les seules à percevoir le pouvoir comique de ce groupe, car autour de nous les visages restent impassibles. Bouh vous êtes pas drôles les fans de Suede. Mais enfin l’assemblée se décoince lorsque Brett, Neil, Richard, Mat et Simon envahissent cette scène ridiculement petite, et sans plus de présentation, démarre un This Hollywood Life des plus électriques. En un instant le temps déraille de son cours normal : nous sommes en 1993, le groupe n’a jamais splitté, et j’ai devant moi « the hottest band in Britain ».



La setlist est bien sûr calquée sur les titres du best of, et c’est toujours ahurissant de constater le nombre de tubes que Suede a pu sortir, en si peu d’albums. La foule s’époumone sur Trash, Animal Nitrate ou encore Beautiful Ones, ces hymnes dans lesquels peut se reconnaître n’importe quel banlieusard (ou provincial) ayant un jour rêvé d’une vie plus excitante et pailletée, loin des « nothing places » et des « nuclear skies ». Émotion particulière à la mention des « cellophane sounds », nom donné à un moment où personne n’aurait misé un rond sur Suede, et qui me donne aujourd’hui la gratuite satisfaction d’une boucle enfin bouclée, mais bon il en faut peu à une sentimentale comme moi. Le concert poursuit son cours avec une intensité rarement observée, les côtes sont comme jamais écrasées contre la barrière, les cordes vocales s’irritent, la fièvre monte. Et étrangement tant d’inconfort physique est une source de bonheur absolu : depuis combien de temps n’ai-je pas assisté à quelque chose d’aussi fort ? De quoi être blasé à vie des concerts trop souvent vus où pas la moindre expression ne parcourt le public, et où il vous est presque reproché de danser.

Quelques titres un peu plus calmes sont censés apaiser la folie ambiante de temps en temps, mais Pantomime Horse ou The Asphalt World, absolument stupéfiantes de beauté, ne font pas baisser la tension d’un poil. Le public est à genou. Je ne sais pas si c’est la proximité de la scène, les retrouvailles après tant d’années d’absence, ou tout simplement le génie des chansons de Suede, mais un lien singulier se crée entre le groupe et nous. L’impression que ce moment est spécial, que c’est indescriptible et que peu importe tous les concerts qu’ils ont vu ou qu’ils verront encore, cette soirée au Bush Hall restera un souvenir à part dans la mémoire des gens qui auront eu la chance d’être là.



Il faut dire que le groupe, et Anderson en particulier, donne de leur personne. Paré de noir et le corps plus que jamais sculpté au couteau, l’androgyne chanteur retrouve ses poses provocatrices et une ardeur que je ne lui soupçonnais même pas. Le premier rang n’a de cesse de se faire agresser sexuellement par ce quadragénaire visiblement friand de contact physique, et si vous me permettez de faire la groupie cinq minutes, je dois dire que non seulement ses cheveux sont d’une texture tout à fait agréable, mais que son ventre, son dos, ses bras et ses cuisses sont d’une fermeté et d’une perfection impressionnante (et qu’il sent très bon - parenthèse groupie fermée).

Jusqu’à la fin pas le moindre faux pas, aucun moment de répit, la setlist reste diaboliquement irréprochable et enchaîne les titres à un rythme effréné, chacun plus parfait que le précédent, c’est presque obscène. Deux seuls bémols à cette soirée d’exception : l’absence de We Are The Pigs, petite favorite personnelle, et le choix de To The Birds pour le rappel, titre loin d’être mauvais mais pas suffisamment puissant à mon goût pour conclure une telle nuit. Ce soir Suede a néanmoins terrassé son auditoire, qui ne peut que se rendre et offrir au groupe une ovation qu’on sent sincère et pleine de sens, quelque part entre le « merci d’être revenu » et le « à très bientôt ». Personne ne sait ce qu’il adviendra de la reformation après le 7 décembre, mais le concert de ce soir prouve que 18 ans après l’esprit de Suede n’a jamais été aussi vivant.


Setlist :
This Hollywood Life
Killing of a Flashboy
Trash
Filmstar
Animal Nitrate
Heroine
Pantomime Horse
My Insatiable One
The Drowners
She
Can't Get Enough
Everything Will Flow
The Asphalt World
So Young
Metal Mickey
The Wild Ones
New Generation
Beautiful Ones
Encore :
To the Birds

Site officiel Suede.
Myspace Midimidis.

3 commentaires:

  1. un million de cœurs à paillette! J'ai encore plus hâte d'y être maintenant!

    RépondreSupprimer
  2. Pas d'accord pour To The Birds, c'est un morceau classique culte de Suede (et accessoirement une de mes lignes de basse préférées), d'accord pour tout le reste, minute groupie incluse lol

    RépondreSupprimer
  3. Si on a pas droit à My Insatiable One ce soir, je serai vraiment déçue.
    Lucky you!
    xxx

    RépondreSupprimer