Come taste the wine,
Come hear the band,
Come blow your horn,
Start celebrating,
Right this way,
Your table's waiting.
No use permitting
Some prophet of doom
To wipe every smile away.
Come hear the music play.
Life is a Cabaret, old chum,
Come to the Cabaret!
Il est un peu moins de trois heures du matin, et au cœur de Camden quelques 300 personnes se prennent pour Liza Minnelli, s’appropriant ces paroles qui concluent le tragi-comique Cabaret, et qui pourraient résumer à elles seules l’esprit de cette soirée. Au dehors l’Angleterre de Cameron & co. s’enfonce chaque jour un peu plus dans une rigueur lugubre, mais ce soir tout le monde a laissé ses problèmes à la porte : le mot d’ordre, c’est la fête, et rien d’autre.
Stay Beautiful célèbre cette nuit ses 10 ans. Créée initialement par Simon Price, que je ne présente plus, et son acolyte Tony Maggs, oiseau des nuits thaïlandaises, cette soirée fut dès ses débuts un rassemblement de freaks londoniens et de pin-ups de banlieue, de travelos gothiques, de punks glamours et d’amateurs de burlesque ; et bien entendu : de fans des Manics. Au fil des années, les curieux sont devenus des habitués et en ont fait leur soirée, chaque premier samedi du mois, créant une sorte de communauté follement éclectique mais finalement homogène, rassemblée par l’amour des plumes, des paillettes, et de la bonne musique. Ce soir, tous ont fait le déplacement : car plus qu’un anniversaire, c’est aussi la dernière fois que Stay Beautiful fait vibrer nos chers noctambules. Une raison de plus pour boire, danser et briller comme jamais.
Chacun a revêtu sa plus belle tenue : les filles ont pris d’assaut les garde-robes de Dita Von Teese, de Katie Jane Garside et de Courtney Love, les garçons eux se sont inspirés de Richey Edwards ou de David Bowie, quand ils n’ont tout simplement pas emprunté la plus belle robe de leur copine. Tout ce beau monde se retrouve une dernière fois devant le Purple Turtle, et alors que cette file colorée s’allonge sur le trottoir, la tension et l’excitation se font palpables, j’ai l’impression de vivre la scène de la Mort du Glitter (de l’excellent Velvet Goldmine) et c’est un sentiment très étrange que d’assister à ce qui est sans doute la fin d’une ère.
Mais trêve de mélancolie : nous rentrons enfin dans cette salle que nous connaissons si bien, et les bonnes vieilles habitudes reprennent : les amis se retrouvent, le bar ne désemplit pas, les « Oh my God I looove your outfit! » fusent. Pendant six heures nous allons danser comme si notre vie en dépendait, les hanches se balancent et les corps se rapprochent, les robes finissent invariablement trempées de sueur (et de bière), les pieds et les cordes vocales s’échauffent, chaque chanson est accueillie par des petits cris d’excitation (« Oh my God it’s my song! ») ; là, maintenant, plus rien d’autre n’a d’importance. Que valent les exams, la dèche, et les histoires d’amour tordues quand on peut danser sur Animal Nitrate, Rebel Rebel, ou Celebrity Skin ?
Les heures défilent aussi vite que les litres de vodka, quand The Dogbones viennent offrir aux danseurs chevronnés l’occasion de se ravitailler au bar et de sortir fumer une cigarette. Les spectateurs plus attentifs découvrent eux un groupe ressuscité des cendres de Daisy Chainsaw et de Queen Adreena, emmené par une Nomi Leonard visiblement possédée. Les deux batteurs et les guitares acérées s’amusent à nous malmener grâce à un punk aussi primal que fascinant, tandis que Nomi alterne les poses de poupée et de furie enragée, pour mieux nous casser les oreilles avec ses délires de folle furieuse. Mention spéciale à Johnny Orion, guitariste à l’allure d’alien albinos et au charme lunaire.
Les Dogbones sont certes épatants sur scène, mais la concentration me fait défaut et je rejoins des amis ; vers minuit la fête reprend son cours, et comme coupé du monde, l’endroit est pris dans une spirale infernale, nous ne connaîtrons plus une minute de répit, les DJs de ce soir (Simon Price, Tony Maggs, Jenna Price) tenant à ce que cette soirée surpasse toutes les autres. Le temps passe à une vitesse incroyable, tout s’enchaîne à un rythme effréné : Motown Junk, 4e bière, Bad Romance, pluie d’œufs de Pâques, (I’m just a) Sweet Transvestite (from transsexual Transylvania), énième gin & tonic, Jeepster, le Prince William qui distribue de la vodka dans un arrosoir (une longue histoire), Spice Up Your Life, stage invasion, Disco 2000… Je n’arrive plus à me souvenir si je suis dans un cabaret berlinois des années 20, au Roxy en 1977, ou en 1995 en pleine Cool Britannia, c’est tout bonnement hallucinant.
Alors que je regarde anxieusement ma montre dont les aiguilles se rapprochent dangereusement des 3 heures, Simon lance un dernier message au micro : « Stay Beautiful only exists because of a fabulous band called Manic Street Preachers, that’s why we’re gonna end this night with not one, but three Manics tracks. So good night, and stay beautiful ». S’ensuivent From Despair To Where, You Love Us et bien sûr Stay Beautiful, dont les « why don’t you just FUCK OFF! » s’avèrent plus que jamais jubilatoires, et inoubliables.
Amassés sur le trottoir, nous sommes nombreux à sembler refuser de partir. Les filles enlèvent leurs talons de 10 cm, on use de ses derniers charmes (l’accent français, une valeur sûre), on tente d’appeler un taxi… On évite de se dire que c’est la dernière fois qu’on vit une soirée comme celle-là, car la frustration est grande. Pour beaucoup de gens, et notamment pour les fans des Manics, plus habitués à traîner dans leurs bouquins qu’à sortir en boîte, Stay Beautiful était la seule soirée où l’on pouvait donner libre cours à ses folies vestimentaires, c’était la seule soirée à allier magnifiquement glamour et intelligence, c’était la seule soirée où l’on était sûrs d’être entourés d’amis. C’était notre soirée.
Stay Beautiful : site officiel (nombreuses photos), page Facebook.
Ouah, ça donne envie...
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