dimanche 22 mai 2011

ULTERIOR - Wild In Wildlife



« Sleep late, have fun, get wild, drink whisky, and drive fast on empty streets with nothing in mind except falling in love and not getting arrested... » - Hunter S. Thompson

C’est peut-être l’album que j’ai le plus attendu cette année, et avec une impatience aussi intense qu’angoissée : depuis 2008, j’avais tout misé sur ces quatre individus sortis des ténèbres, et j’allais enfin découvrir si Ulterior étaient à la hauteur de mes espérances. Les masochistes dans mon genre avaient déjà adoré souffrir en écoutant Kempers Heads - un premier EP aussi stérile, froid et toxique que les alentours de Tchernobyl, et ils étaient vite devenus accros à la musique empoisonnée de ce groupe fascinant. Derrière leurs perfectos et leurs déclarations pleines de fiel, Ulterior m’ont toujours semblés un niveau au-dessus de tous les autres groupes auxquels on les a assimilés : O Children, SCUM, et généralement toute la clique de l’est londonien. Plus ambitieux, arrogants et déterminés que les autres, ils semblent traîner leurs boots usées sur une route qui leur est propre, se moquant pas mal que la mode soit plus à la pop légère des Vaccines qu’aux mélodies irrespirables dans lesquelles ils excellent. Et avec Wild In Wildlife, les voilà prêts à conquérir le monde.

Entrons donc dans les contrées hostiles et anxiogènes qu’affectionne ce groupe faussement macho et obsédé par, je cite : le sexe, la guerre et les bagnoles. Sex War Sex Cars Sex fait d’emblée office d’avertissement : pas de doute, il va falloir avoir le cœur bien accroché. Le disque ouvre en effet sur une débâcle de guitares noisy et de violence maîtrisée, rendant rapidement son pauvre auditeur assommé, électrifié, et en demandant encore. Catherine, plus clémente, nous emmène ensuite au cœur des années 80, une ambiance qui dominera le reste de cet album. Quelque part entre un tube oublié de Billy Idol (la ressemblance vocale est troublante) et un classique new wave, on ne sait plus très bien si on est toujours en 2011, ou si l’on est revenu en 1984.

L’album enchaîne sur des titres que les connaisseurs avaient déjà eu la chance d’entendre, mais entièrement revus et corrigés. Si Sister Speed ne bénéficie pas forcément de ce nouveau traitement, Dream Dream passe en revanche du statut de vague démo mal dégrossie à celui de véritable chef-d’œuvre. Presque méconnaissable, elle est devenue diabolique, animale, et développe sur 7 minutes 20 une rengaine aliénante qui monte en puissance jusqu’à atteindre des sommets vertigineux. Ulterior parvient ici à réaliser le parfait mélange d’électro glaciale et de rock poisseux, la ligne de basse est aussi cauchemardesque qu’un film de Kubrick ; le tout est extrêmement bien produit tout en gardant son vernis un peu sale : on se surprend à penser à Depeche Mode, époque Violator. À mi-chemin de cet éprouvant périple, on peut déjà l’affirmer : il valait le coup d’attendre, celui-là.

Big City Black Rain continue ensuite de surfer sur la vague eighties, avec une guitare aussi désespérante qu’une virée nocturne dans les rues d’une ville endormie. C’est le son de l’enfer urbain où l’on meurt d’ennui, dans ce qu’il a de plus ordinaire et de déprimant. Ce qui suit est marqué par le même sentiment de désolation. Les pédales de distorsion continuent de côtoyer les synthés déshumanisés sur Too In Love To Fuck et The Emptiness We Share, dont les titres laissent peu de doute quant à leurs thèmes désenchantés.

Après un Tarantula à l’atmosphère venimeuse, c’est au tour de Wild In Wildlife d’étaler sur dix minutes toute l’angoisse et le désespoir qui ont alimenté ce disque jusqu’à présent, comme l’apogée naturel de ce voyage dans les abîmes du monde moderne. Avec une intro presque shoegaze et des guitares qui n’en finissent plus de gémir, la chanson-titre est la preuve finale qu’Ulterior a atteint une dimension supérieure : je n’avais pas entendu quelque chose d’aussi épique depuis très, très longtemps. Au sortir d’un tel monument de nihilisme, et comme un ghost track, Shallow Brown est une ballade sinistre et mélancolique, entonnée par un Honey (Paul McGregor) comme épuisé après une telle chevauchée. Une dernière marche un peu manquée et qui conclut ce disque sur une note d’amertume.

On sort de Wild In Wildlife complètement sonné, et avec l’impression de tenir entre ses mains un album culte des années 80. À l’image de sa pochette aux couleurs artificielles, il est la parfaite bande-son d’une époque de désillusions, vécue sous la froideur des néons, où la solitude et l’agressivité sont les uniques moyens de survie. En cela il est aussi infiniment plus moderne et sincère que tout ce qui est sorti récemment. Et si 2012 nous promet l’apocalypse, Wild In Wildlife nous offre déjà un avant-goût de fin du monde.

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