jeudi 11 février 2010

Brett Anderson - Divan du Monde, 05.02.10




Qu’on le veuille ou non, Brett Anderson restera éternellement le plus grand perdant magnifique de la britpop. Pendant que les Gallagher remplissaient les stades, que Damon Albarn squattait les charts avec Gorillaz et que Jarvis Cocker se transformait peu à peu en icône bobo parisienne, Brett se remettait doucement du split de Suede et se lançait dans une carrière solo parfois sophistiquée et douloureuse (Wilderness), parfois terriblement mièvre (Brett Anderson) mais qui n’atteindra jamais le grand public.
Il faut dire que le Brett Anderson des années 90 était un personnage assez extraordinaire. Moulé de cuir noir, une longue mèche dissimulant ses yeux épuisés, l’androgyne leader de Suede était connu pour ses prestations scéniques ultra sexy, se déhanchant comme une Shakira sous crack sur des morceaux tous plus flamboyants et glamours les uns que les autres. Il suffit d’écouter la compilation de singles sortie en 2003 pour réaliser à quel point Anderson et ses compères (dont le génial guitariste Bernard Butler, aujourd’hui producteur notamment de l’insupportable Duffy) étaient capables d’aligner tube sur tube avec une aisance déconcertante. Arrogants, grandiloquents, parfois putassiers, les morceaux de Suede font partie de ces plaisirs intenses qui donnent furieusement envie de conquérir le monde, célébrant les lumières de la ville, les tragédies hollywoodiennes et les amours toxiques.

Une fois libéré de son groupe à la dérive depuis les années 2000, Anderson se débarasse de tout artifice et décide de mettre en avant son instrument le plus précieux: sa voix. Et derrière la poufiasse un peu trop maquillée se cachait une beauté naturelle certes très classe, mais un peu fade. Désormais loin de son passé rock’n’roll, Brett donne dans la pop minimaliste et mélancolique, tissant un discret écrin autour de sa voix toujours aussi magnifique et mieux maitrisée, lui qui avait l’habitude de tout pulvériser sur son passage dès qu’il ouvrait la bouche. C’est évidemment très joli mais on ne recense aucun chef d’oeuvre. Pire, le malheureux devient la risée des journalistes le cataloguant de star déchue, de couineur incapable d’exister en dehors de son glorieux passé de rockstar narcissique et ambitieuse.

Le concert de ce soir sera donc une surprise totale. Adieu piano, violoncelle et autocomplaisance, Brett remanie totalement ses morceaux et transforme ses complaintes maladives en petits bijoux rock. Visiblement heureux d’être là, drôle, il fait l’effort de parler français et garde le sourire malgré les multiples problèmes techniques du guitariste et un public plutôt réservé.
Hymn, parfait en titre d’ouverture, A Different Place et Ashes of Us sont impeccables de sobriété et de retenue tandis que To The Winter, Love is Dead et surtout Julian’s Eyes gagnent en puissance et en électricité. Toujours aussi charismatique malgré un jeu de scène bien moins théâtral que par le passé, Anderson dégage une élégance affolante et transcende tout ce qu’il a enregistré depuis 2007 grâce à des arrangements judicieux et un groupe excellent.




Le quatuor se retire, laissant Brett seul avec sa guitare acoustique pour ce qui sera le meilleur moment de ce concert. Ses versions éthérées de The Empress et Clowns sont absolument sublimes et prouvent que malgré les excès sa voix demeure intacte et déchirante. Le superbe et minimaliste album Wilderness l’avait déjà démontré, Anderson arrive à émouvoir une fois dépouillé à l’extrême. On aimerait que cet instant saisissant de sincérité et de beauté dure encore mais les musiciens reviennent sur scène pour la dernière partie du concert plus énergique, moins intimiste. Certains semblent regretter l’absence de morceaux de Suede mais c’est finalement mieux ainsi, au moins personne n’accusera Brett de sombrer dans la parodie de lui-même.

Au final, ce concert est en parfaite harmonie avec l’image que renvoie Anderson aujourd’hui: un homme d’une classe infinie, préférant la simplicité à l’esbrouffe sans pour autant renier son passé rock’n’roll. La preuve, dans quelques semaines Suede se reformera le temps d’un seul et unique concert déjà sold out au Royal Albert Hall. Les cyniques diront évidemment qu’il ne lui reste plus que ça pour revenir sur le devant de la scène, les autres se souviendront de la performance de ce soir, celle d’un musicien qui semble enfin avoir réglé ses comptes avec lui-même après des années d’errances. Et sincèrement, il était temps...



Et c'est avec une certaine fierté que nous vous informons que Brett Anderson connaît l'existence de Cellophane Sounds et devient donc notre parrain officiel (pour ceux qui ignoreraient encore l'origine de notre patronyme, cliquez ici).

Site
Myspace

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