lundi 11 octobre 2010

Morrissey & Marr: The Severed Alliance - Johnny Rogan

Par Adélaïde





Il y a des bouquins qui sont très difficiles à résumer, ou même à expliquer. C’est le cas de celui-ci. Comme vous pouvez quand même le deviner, ce gros pavé raconte l’histoire des Smiths, mais pas seulement. C’est l’histoire de deux personnes, deux caractères qui ont bien failli ne jamais se rencontrer.
En 1992, à sa sortie, le livre a été acclamé par l’ensemble de la presse musicale ; pourtant, il n’a pas vraiment été goûté par Morrissey, qui, d’après l’auteur Johnny Rogan, aurait même proféré des menaces de mort contre lui… (“Personally, I hope Johnny Rogan ends his days very soon in an M3 pile-up”).
Et pourtant, Johnny Rogan est quelqu’un comme nous, un fan transi d’amour pour ce groupe hors du commun qu’a été les Smiths, presque un ovni dans le paysage musical des années 80 dominé par les minauderies de Madonna ou les tubes en plastique de Duran Duran. En effet, les Smiths n’est pas un groupe comme les autres, surtout à cause de ses deux protagonistes.
Le livre commence donc par une exhaustive biographie (un peu trop d’ailleurs) de Morrissey. Johnny Rogan nous replonge d’abord dans l’Irlande du début du XXe siècle dans laquelle ont vécu ses grands-parents (Si vous voulez vraiment lire ce premier chapitre, je vous recommande chaudement de regarder au préalable Le vent se lève de Ken Loach, sinon c’est incompréhensible.). Puis c’est l’installation de ses parents à Manchester dans les années 50.
Vient ensuite un récit parfois trop précis de l’enfance de Morrissey, marquée par les meurtres en série de petits mancuniens de son âge, qui l’ont traumatisés (tous ceux qui ont grandi dans le Nord pendant la période Marc Dutroux comme moi comprennent ce dont il s’agit). Ses années collège-lycée pendant lesquelles, devinez quoi, il ne se sentait pas à sa place. Très vite, il se passionne pour la pop musique.
Et là, tout s’éclaire : son amour pour les chanteuses des sixties, pour T-Rex, et le glam en général, et bien sûr, pour les New York Dolls. Ce qui fait l’intérêt de ce livre, (et aussi ce qui a contribué à la colère de Morrissey), c’est que nous pénétrons dans la chambre de Morrissey, voire même dans sa tête, nous écoutons ses disques préférés, parce que tout cela nous permettra de comprendre ses lubies, ses paroles… L’auteur décrit très bien ses années passées dans sa chambre en train d’écrire ses premiers essais, ses premières paroles ; il nous explique aussi ses fantaisies et ses paradoxes, parce que c’est la grande révélation de ce livre, Morrissey est quelqu’un d’infiniment paradoxal. (Morrissey, raciste ou pas raciste ? Féministe ou misogyne ? Gay, hétéro, ou asexué ?)
A propos de Johnny Marr, Rogan fait plus court. Il faut dire que Marr est quelqu’un de bien moins compliqué : à 15 ans, sa vie est déjà toute tracée : il a rencontré la femme de sa vie, il sait qu’il deviendra musicien, et qu’il est destiné à être une rock star. Johnny Marr, c’est le jeune prodige tellement ambitieux et sûr de lui que ses dents rayent le parquet.
C’est lui, qui, en 1982, va chercher Morrissey du fin fond de sa chambre, pour son talent de parolier. C’est Marr qui a voulu les Smiths. Et pourtant, c’est Morrissey qui va devenir une star. La suite du livre raconte toutes les étapes du groupe : les premiers morceaux composés, les premiers concerts (calamiteux), la signature avec Rough Trade, les premiers succès, les tournées en Angleterre et aux Etats-Unis.
Mais la trajectoire des Smiths, c’est aussi une réflexion sur le statut de groupe indépendant. Les Smiths, comme bien d’autres, se sont retrouvés face à l’éternel dilemme crédibilité artistique ou succès commercial. Les Smiths n’avaient pas peur du succès commercial, ils en ont même eu certains, mais Marr aurait voulu franchir des limites que les dogmes de l’underground n’auraient pas toléré.
Les sorties de Morrissey dans la presse sur la politique, sur Thatcher et sur les animaux en danger ont en fait contribué à restreindre la créativité et la définition des Smiths. A l’époque, il était difficile d’imaginer ce groupe réputé « politisé » sortir un hit pour dancefloors, alors même que c’était la direction que Marr voulait prendre. L’histoire des Smiths, c’est aussi une critique de l’étroitesse d’esprit de la scène indépendante de l’époque, mais aussi du le rôle de la presse musicale, dont l’incontournable NME.
Il y aurait encore tellement à dire sur les provocations hilarantes de Morrissey, sur ses caprices, mais aussi sur sa relation ambiguë avec le génial Johnny Marr, et sur les trop souvent oubliés Andy Rourke et Mike Joyce.
L’intérêt de ce livre, c’est qu’il contribue à percer pour nous, fans intrigués, le mystère Morrissey. Il explique le sens de chaque chanson, album par album, les conflits avec la maison de disques, etc etc. Bref, si vous voulez tout savoir sur les Smiths et que vous n’avez pas peur des gros pavés écrits en anglais, c’est par ici.


Morrissey

Johnny Marr

2 commentaires:

  1. J'ai lu ce livre il y a quelques années déjà mais je me souviens justement avoir été captivée par tout le début. Lorsque le livre vire "spinal tap" (jalousie, tension, trahison), j'ai commencé à décrocher. Je crois que Rogan a compris que ce qui a fait des Smiths un groupe majeur (et unique) c'est le background de chacun des ses protagonistes (et de Morrissey en particulier).
    xx

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  2. Tu donnes envie, je m'y pencherai à l'occasion.

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