lundi 29 novembre 2010

Gorillaz - Zénith de Paris - 23.11.10



Gorillaz en concert, on nous avait prévenu, c'est génial. Et puis on avait écumé YouTube aussi, pour les voir jouer les remplaçants de U2 à Glasto en juin ou commencer leur tour du monde en technicolor et à t-shirts rayés. Mais est-ce que les petites images tremblotantes et le son crachouillant pouvaient nous préparer à ce qui allait se passer à Paris ce 23 novembre ? Le Zénith n'est pas immense et il est bourré à craquer, les sièges en plastique rouges derrière la fosse se font escalader par des centaines de gens et seront plus tard frappés sans merci par la foule en transe. Car oui, on peut résumer Gorillaz à cela ; une transe musicale qui nous saisit dès qu'ils apparaissent sur scène après deux premières parties formidables - Little Dragon et De La Soul qui nous haranguent avec fougue, nous demandant si nous sommes prêts pour la Party, et oui, nous sommes terriblement excités, prêts à bondir.

Les musiciens s'installent et l'écran s'illumine - il ne s'éteindra que rarement et sera ponctué de petits intermèdes montrant le "vrai" groupe - et tout d'un coup, la moitié des Clash (Paul Simonon et Mick Jones) commencent à jouer, accompagnés par des dizaines de musiciens classiques, un choeur de cuivres de Chicago, Damon Albarn penché sur un petit piano et Snoop Dogg qui nous toise de toute l'immensité de l'écran. Gorillaz est une grosse machine musicale avec des dizaines de guests et des tubes qui s'enchaînent avec une précision hallucinante - les chanteurs sont en synchronisation avec les clips qui défilent sur l'écran- mais c'est aussi une énorme claque dans la gueule; on ne sait plus où regarder et qui applaudir, toute la fosse tente d'obtenir un sourire de Paul Simonon assassinant la foule avec sa basse mitraillette, et de saisir la main de Damon Albarn, qui sautille dans tous les coins, libéré de ne plus être dissimulé derrière un écran.

Mais cette machine électrisante qui durera pendant près de deux heures a un coeur aussi doré que la dent de Damon Albarn, qui ne peut s'empêcher, entre les poses christiques et les mimiques de possédés, de sourire comme un enfant de douze ans, content d'avoir réuni ses meilleurs amis. Tout le monde s'embrasse, les mains se serrent; on retient son souffle quand Little Dragon et Damon Albarn s'enlacent ou quand Bobby Womack éclate de rire après nous avoir transporté dans les cieux de Plastic Beach.



Voir Gorillaz en concert, c'est participer à une fête familiale - Damon Albarn lui-même le dit, une famille où il y a des gamins, comme le chanteur de Doncamatic, avec sa coupe à la Xavier Dolan et sa voix de fillette, et des plus vieux comme ces Clash qui dansent quand l'orchestre de Syrie entre sur scène. La plupart arborent le même tatouage, une ancre sur le bras et partagent le même enthousiasme pour la musique qui s'enchaîne sans dérailler, des plus anciens morceaux (je suis ravie d'entendre 12-2000 qui nous donne un petit coup de vieux, et November Has Come est joué pour la première fois avec MF Doom) à celui sur aucun CD (Doncamatic et Daley, le petit chevelu, avec également un clip réalisé pendant la tournée par Jamie Hewlett).

Il est facile de se rendre compte pourquoi des centaines de gens ont le bras tendu pour filmer et qu'il sera tout aussi facile de retrouver ces films dans la même qualité douteuse sur le net; la scène vibre dans tous les coins, tout se passe en même temps dans une explosion de couleur et de musique. Les lettres géantes du nom du groupe illuminent tout dans un arc-en-ciel, le Zénith devient une piste de danse géante pendant Glitter Freeze. Dans l'absence de Mark E. Smith, la version instrumentale nous fait oublier qu'il est déjà difficile de bouger un orteil. L'ambiance se calme aussi et l'intimité s'installe facilement malgré cette démesure, je pense à ces chansons qu'on écoute en fermant les yeux, Broken ou El Mañana.

Les guests apparaissent sortis de nulle part, on ne les comptera pas tous mais ils vont et viennent sur scène avec la même joie que tous ceux qui y restent. Cette tournée n'est pas une corvée mais il semble évident que l'anglais de 42 ans a réussi à réunir tous ses potes, dont les meilleurs représentants du hip-hop, De La Soul, qui entre deux chansons nous parlent toujours de cette party, et il est extrêmement facile de croire que nous ne sommes pas compressés dans la fosse, mais parmi eux, chez eux.



Le Melodica fétiche de Damon Albarn est métamorphosé en objet de culte que tout le Zénith acclame lorsque les premiers accords de Clint Eastwood, culte depuis l'an 2001, commencent à résonner dans la salle, il se moque de nous en riant pendant l'encore - après que Murdoc et ses acolytes numériques se sont plaints une fois de plus de la longueur de ce "warm-up band". L'écran géant fait éclater de rire des milliers de personnes avant de nous emmener dans la dernière ligne droite, dont il est difficile d'imaginer que nous puissions en sortir indemne. Et si je ne ressors pas avec une dent en moins comme Paul Simonon, c'est avec les oreilles pleines d'une musique qu'on ne pourra jamais définir, avec le souvenir d'une expérience plutôt qu'un concert et d'une joie tellement partagée qu'on n'en veut même pas à un des membres de De La Soul de nous faire chanter Happy Birthday pour un des choristes.

Et si on peut se plaindre de l'avalanche des invités sur le dernier album et de la démesure de ce concert - loin du low-key des débuts - cette expérience qui s'étend sur toutes les frontières du monde et de la musique ne peut que mettre tout le monde d'accord, et les visages radieux post-concert en sont bien le signe.

Alors, oui, voir Gorillaz en concert, c'est génial. Mais c'est aussi plus que voir, c'est vivre, c'est participer à quelque chose de tellement unique et pourtant précis qu'on se demande pourquoi personne n'y avait jamais pensé avant, réunir ses amis sur une immense scène et faire la fête, tout simplement.

Texte & photos : Camille Q.

Setlist :
Dressing Room Video Part 1
Orchestral Intro (Extended)
Welcome to the World of the Plastic Beach (with Hypnotic Brass Ensemble)
Last Living Souls
19/2000 (with Rosie Wilson)
Stylo (with Bobby Womack) (and Bootie Brown)
On Melancholy Hill
Rhinestone Eyes
Kids With Guns (with Neneh Cherry)
Superfast Jellyfish (with De La Soul)
Tomorrow Comes Today
Empire Ants (with Yukimi Nagano)
Dressing Room Video Part 2
Broken (with Hypnotic Brass Ensemble) (Extended)
Dirty Harry (with Bootie Brown)
El Mañana
November Has Come (with MF DOOM)
Doncamatic (with Daley)
White Flag (with Bashy) (and Kano)
To Binge (with Little Dragon)
DARE (with Rosie Wilson)
Glitter Freeze
Punk
Plastic Beach
Encore :
Cyborg Ident Video
Cloud of Unknowing (with Bobby Womack)
Feel Good Inc. (with De La Soul)
Clint Eastwood (with Bashy) (and Kano)
Don't Get Lost In Heaven
Demon Days
Dressing Room Video Part 3

Site officiel de Gorillaz : en VO, en VF.

1 commentaire: