jeudi 13 janvier 2011

British Sea Power - Valhalla Dancehall



Voilà une bonne décennie déjà que les membres de British Sea Power mènent leur drôle de navire dans les eaux du rock indé britannique, bravant les vagues scélérates et les requins caractérisant ce milieu impitoyable, et continuant d’explorer des territoires musicaux inconnus, album après album. Au registre de leurs conquêtes les plus marquantes, citons Do You Like Rock Music?, véritable île aux trésors pop, parsemée d’éblouissants joyaux tels que Waving Flags ou No Lucifer, et qui leur valut presque le Mercury Prize en 2008 ; ou plus récemment Man Of Aran, bande son d’un film irlandais datant de 1934 mettant en scène la vie des pêcheurs locaux, et qui en douze instrumentaux parvient à sublimer ce sujet fort prosaïque, en évoquant la détresse des hommes perdus en mer ou la folie des mouettes rieuses.

Lors de l’automne dernier le destin décidément fort généreux les plaça sur notre route, et nous pouvions enfin admirer cette bande de pirates sur scène. Avec leurs setlists bien ficelées et leurs tenues plus qu’intrigantes (chaussures de randonnée, masque de renard et branches d’arbre dans les cheveux), il nous fut bien difficile de ne pas mordre à l’hameçon. Et après la mise en bouche aussi variée et déroutante que fut l’EP Zeus, nous attendions Valhalla Dancehall, avec l’impatience des femmes de marins restées à la maison.

Avec ce nouvel opus British Sea Power continue de nous faire voyager, entre terre et mer, dans des endroits reculés où personne d’autre n’aurait pu nous emmener, à contre-courant d’une majorité de groupes contemporains qui tire en général son inspiration dans la grisaille du monde urbain. Enregistré dans une ferme perdue sur la côte du Sussex, c’est un disque qui sent bon la vieille Angleterre, la forêt et les feux de cheminée, le tout électrisé par une certaine tension comparable aux minutes qui précèdent un orage. Tout comme les journalistes que le groupe embarque dans des « balades » de 16 km ou dans des séjours dans le cercle polaire arctique norvégien en échange d’interviews, nous voilà ballottés dans des ambiances et des paysages inconnus, écrasés par l’immensité de cette Nature tour à tour foisonnante et hostile, thème de prédilection de nos aventuriers chevronnés.

Commençant dans une abondance de guitares servant l’hymne déjà culte Who’s In Control puis l’épique We Are Sound, l’album trouve ensuite son rythme de croisière dans des compositions plus difficiles d’accès mais qui prennent leur envol après quelques écoutes. On se retrouve à voguer entre les titres post-punk saturés (Stunde Null, Mongk II, et l’hallucinant Thin Black Sail) et les rêves cotonneux sans fin (le sublime Cleaning Out The Rooms et Once More Now, respectivement 7 et 11 minutes), ce qui pourrait valoir à l’album un certain manque de cohérence, mais finalement d’autres chansons de facture plus classique (Luna, Living Is So Easy, Observe The Skies) permettent à l’ensemble de n’être pas trop bancal. Dommage que Heavy Water clôture cette épopée musicale de façon un peu faible, tant le titre paraît anodin après un tel feu d’artifice sonore.

Comme précédemment British Sea Power est conforme à sa réputation de groupe lettré, en témoignent les références à George Orwell, Ray Bradbury, l’Allemagne d’après-guerre, mais aussi le clin d’œil « I’m a big fan of the local library, I just read a book, but that’s another story ». Le groupe étant également connu pour ses positions éthiques et politiques, nous ne sommes pas non plus surpris d’entendre « Were you not told, did you not know, everything around you is being sold? », « Shopping is so easy », et le jouissif « Sometimes I wish protesting was sexy on a Saturday night », prophétique écho des récentes manifestations étudiantes, alors que la chanson fut écrite bien avant.

Avec ce cinquième album aussi riche et inspiré que ses prédécesseurs, British Sea Power conforte plus que jamais sa place d’outsider dans un monde indie stéréotypé qui commence à s’essouffler. Un jugement rapide pourrait les placer en lointains cousins d’un groupe comme Arcade Fire, à la différence près que les anglais réussissent le pari de faire du rock intelligent sans jamais se prendre au sérieux. Valhalla Dancehall prouve également que British Sea Power ne s’est aucunement fatigué sur la longueur, au contraire le groupe n’a jamais semblé aussi productif qu’aujourd’hui, sans que sa créativité en pâtisse. 
Bref, en ce début d’année froid et morose, Valhalla Dancehall est le disque qui vous sortira de la dépression hivernale. Alors appuyez sur play, fermez les yeux, et larguez les amarres !

1 commentaire:

  1. Oh oui, je ne savais pas qu'ils avaient produit un nouveau disque. Remerciements en cascade.

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